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Professeur Sophie de Mijolla-Mellor-"Fonction des mythes dans les débuts de la psychanalyse : le dialogue fécond entre Freud et Jung"

Fonction des mythes dans les débuts de la psychanalyse :

le dialogue fécond entre Freud et Jung

Professeur Sophie de Mijolla-Mellor

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 Les Rencontres de l’AIHP, en ce lieu d’origine de la mythologie grecque dont notre culture occidentale est pétrie, ne pouvaient trouver meilleure occasion pour une réflexion en commun sur la place des mythologies dans l’élaboration théorico-clinique des psychanalystes depuis Freud.

Quand Freud rencontre les mythes, Œdipe, Narcisse, la horde primitive, le meurtre originel du Père, il en fait des figures emblématiques, jalons et repères pour l’approche des mécanismes inconscients. Lorsqu’il lui faudra tenter de situer les concepts de la Métapsychologie, ce sera référence à la sorcière sans laquelle on ne pourrait avancer d’un pas, et quant aux pulsions, éléments clés à cet égard, elles seront revendiqués comme " notre mythologie ". Enfin, les cas cliniques paradigmatiques que sont " L’Homme aux loups ", " L’homme aux rats " et d’autres constituent à leur manière des personnages mythiques parallélement aux individus réels qu’ils ont été et on sait, pour le premier, qu’il ne lui fût pas facile de co-vivre avec ce double. Ceci porte à considérer que la psychanalyse n’est pas dissociable de la mythologie que Freud a repris de la littérature ou de l’anthropologie, et que cette dimension archaïque, romanesque voire spéculative est partie intégrante de sa spécificité.

Cette mise en lumière historique que j’ai le plaisir et l’honneur d’introduire aujourd’hui devrait contribuer à éclairer la spécificité de la psychanalyse en ces temps où les attaques lui viennent au nom d’une prétendue " scientificité " qui n’est pourtant nullement incompatible avec cette présence de l’archaïque dont témoigne le recours aux mythes.

Pour ma part je me limiterai à rappeler quelques perspectives sur la notion de mythe, sa place vis à vis de la légende  et la manière dont ces notions doivent, du point de vue de l’histoire de la  psychanalyse, être comprises dans la perspective de la délicate partie engagée entre Freud et Jung.

 

I Qu’est ce qu’un mythe ?

Le mythe parle l’origine, il est l’origine.

Jean-Pierre Vernant rappelle qu’en Grèce : "Les philosophes n’ont pas eu à inventer un système d’explication du monde ; ils l’ont trouvé tout fait"[1].

Mais s’agit-il d’un système d’explication comme le serait une théorie ou d’une autre manière, qui serait spécifiquement celle du mythe, pour véhiculer le sens ?

En fait, le mythe n’apparaît nullement comme une explication si on entend par là un discours visant à éliminer le mystère de son objet par l’élaboration de séries causales.

La plupart des auteurs traitant du mythe ont au contraire souligné qu’il ne fait appel à aucune cause extérieure pour les faits qu’il énonce, ces faits constituant eux-mêmes leur propre cause et celle en vue de quoi on voudra les invoquer. Le mythe se passe donc de cause puisqu’il est cause absolue, origine au-delà de laquelle on ne peut pas remonter.

Voulant définir cette dernière et donc le fondement de la mythologie, Charles Kérényi écrit : "La mythologie s’explique elle-même et explique aussi tout ce qui est au monde, non parce qu’elle aurait été inventée pour fournir des explications, mais parce qu’elle possède aussi la qualité d’être explicative".[2]

 Malinowski, dans Le mythe dans la psychologie primitive, dit à peu près la même chose lorsqu’il souligne que les mythes ne sont pas inventés comme les contes, ni rapportés comme des récits vrais. Il s’agit d’une réalité pourtant, effective et vivante, mais d’une part impossible à situer dans le temps parce qu’il s’agit d’époques tellement anciennes qu’elles apparaissent littéralement hors du temps, et d’autre part impossible à limiter dans un temps donné puisque le mythe est supposé continuer à influencer le monde et les destinées humaines.

A l’inverse, une explication, une théorie procède d’une curiosité investigatrice qui se dirige vers la recherche de causes. Et pourtant, le mythe a pour effet, si on sait l’interpréter, de rendre clair le passé, le présent et même le futur.

La raison de cet apparent paradoxe c’est chez Aristote qu’on peut la trouver dans la différence qu’il établit entre les aitia (les causes) et les arcai (les commencements). En fait, derrière l’ aitioh se trouve tout naturellement l’arch et à la question "pourquoi" se substitue celle "à la suite de quoi" (cf. Kerényi, op. cit., p. 19). On n’est plus dans un univers de causes mais dans une démarche qui part d’un fondement.

Qu’en est-il pour la psychanalyse ?

Freud a été toute sa vie fidèle à un double mouvement vis-à-vis de la question de l’origine de ses propres conceptions. D’une part il affirmait que peut-être un jour la biologie permettrait d’établir le fondement phylogénétique de ce qu’il était arrivé par l’observation et l’interprétation à théoriser au sujet de la vie psychique, d’autre part il soutenait la rencontre entre ses propres découvertes et ce que l’anthropologie, l’étude des mythes et du folklore peuvent apprendre sur les contenus psychiques communs aux individus.

Origine ouverte d’un côté vers ce que les progrès de la science pourraient apporter et origine pleine d’un autre côté avec des contenus et des images qu’il s’émerveille de retrouver dans les rêves et les symptômes. Avec eux, Freud souligne le temps transindividuel de l’histoire de l’humanité et interroge directement la question de l’origine dans une rencontre entre les données d’une science, la linguistique, et ses propres découvertes à propos du rêve. L’ouverture de la psychanalyse sur la question de l’origine se fait ici sur le mode d’une corrélation de données issues de domaines différents du savoir, et à cet égard, on peut dire que la position épistémologique de Freud vis-à-vis de la question de l’origine cherche à rejoindre, en partie, celle des sciences de son temps.

Il y a cependant aussi un autre aspect de la position de la psychanalyse vis-à-vis de l’origine qui est très différent, beaucoup plus proche de la métaphysique : il s’agit de la relation entre la métapsychologie et l’archaïque. La métapsychologie, au-delà de l’observable et de l’interprétable, se constitue dans une position transcendantale vis-à-vis de ce qu’il peut aider à comprendre. Mais, simultanément, Freud n’hésite pas à lancer de véritables mythes concernant l’origine et l’anthropologie lui sert alors d’étayage comme dans Totem et tabou. Sommes-nous alors encore dans une vision scientifique ou n’est-on pas carrément passé à la spéculation, voire au romanesque ?

 Pour Freud, ces deux aspects ne sont pas contradictoires et il les maintient côte à côte. Nous aurons ainsi l’originaire historique individuel ou trans-individuel et au-delà, on trouve la métaphore archéologique dont Freud faisait grand usage. Car ces mythes jouent un autre rôle : ils ne disent pas l’origine, ils la désignent comme une perspective ouverte.

On trouverait un étayage philosophique à ces diverses manières pour Freud de concevoir l’origine en rappelant que la distinction entre origine et commencement se trouve déjà chez Aristote qui différencie l’origine comme antériorité, repérable vis-à-vis d’un point fixe et l’origine comme principe ou comme substrat. Si l’antériorité des phénomènes est accessible à une vision scientifique, elle est cependant vouée à ne jamais remonter à l’origine mais seulement à ce qui en découle. Seule l’origine comme principe ou substrat peut véritablement atteindre cet aspect principiel dont nous avons parlé au début. Mais le corollaire est qu’il ne peut être posé qu’à l’intérieur d’un discours qui en fait sa condition logique ou qui cherche à l’illustrer par ces histoires de l’origine que sont les mythes.

II Le mythe vis à vis de la figure légendaire chez Freud.

Lorsque Freud évoque la figure du "héros" dans Psychologie des masses et analyse du Moi, il en fait un vainqueur et non cette figure sacrificielle qui a osé se dresser contre l’oppression paternelle, mais n’a obtenu qu’un semi-succès puisqu’il est finalement puni. La grandeur du mythe de Prométhée tient à la fois à sa réussite du vol du feu olympien et à l’échec dont témoigne sa souffrance et sa punition éternelle.

A l’inverse, le héros pour Freud est "le fils dernier-né, le préféré de la mère, celui qu’elle avait protégé de la jalousie paternelle et qui, aux temps de la horde originaire, était devenu le successeur du père" (Psychologie des masses et analyse du Moi, Œuvres Complètes, p. 75). Voilà une bien étrange représentation du héros ! Il serait le "chouchou" de la mère, celui qui, à l’abri de sa protection et encore toléré du fait de son jeune âge, attendrait tranquillement le décès naturel du père de la horde pour le remplacer tout aussi tranquillement... Le héros ne serait-il rien d’autre qu’un héritier, nommé et intronisé par la faveur maternelle ?

Freud suppose quand même qu’il a fallu aider le père originaire à passer dans l’au-delà et du coup, le héros devient un personnage beaucoup plus complexe : il est aidé de sa troupe de frères (représentés dans les mythes comme des petites animaux) et il est parvenu à ses fins parce qu’il s’est présenté comme "sot, c’est-à-dire non dangereux" (ibid., p. 75). Le terme d’ "innocent" pourrait être proposé ici, c’est-à-dire, suivant le paradigme dostoïevskien, celui qui est perçu comme incapable de nuire parce qu’il répond à des valeurs qui ne sont pas celles des autres. La figure du Christ, qui emporte l’enthousiasme avec des préceptes aussi paradoxaux que la paix dans un monde où la force est la valeur évidente et l’amour qui doit répondre à la haine[3], donne pleinement l’image du héros, qui est un fils finalement mis à mort pour ses frères.

Or, Freud, en restant lié au mythe du meurtre par la horde unie des frères, ne peut que difficilement faire place au héros. Il fait de ce dernier un mythe et, du même coup, définit le mythe comme "le pas par lequel l’individu sort de la masse" (op. cit., p. 75). Le mythe du héros n’est pas situé par lui au même niveau que le "mythe scientifique" du père de la horde originaire, il serait, pourrait-on dire, un "mythe romanesque" servant une réalisation de désir ou encore le mythe du héros est un mythe "psychologique" alors que le mythe du meurtre du père serait un mythe "de la nature", mythe "explicatif".

S’appuyant sur Rank, Freud fait un pas de plus : le mythe du héros est la création du poète et le héros... n’est rien d’autre que le poète lui-même qui "s’abaisse ainsi jusqu’à la réalité (celle de ses auditeurs) et élève ses auditeurs jusqu’à la fantaisie" (ibid.). Le héros ne serait donc qu’un être de discours, l’expression du désir œdipien dans son vœu de se mettre à la place du père ; il serait celui qui dit non pas : "Je l’ai tué, mais "Je sais qui l’a tué et je vais vous le raconter pour que vous puissiez vous identifier à lui".

Du coup, la religion se trouve une chronologie : "Peut-être le héros divinisé était-il antérieur au dieu-père, précurseur du retour du père originaire sous forme de divinité. La série des dieux s’ordonnerait alors chronologiquement ainsi : déesse-mère - héros - dieu-père. Mais ce n’est qu’avec l’élévation du père originaire jamais oublié que la divinité reçut les traits que nous lui connaissons encore aujourd’hui". (ibid., p. 76).

La souffrance du héros et sa punition finale, bien injuste puisqu’il n’agit que de manière désintéressée, trouvera en 1932 une explication complémentaire à propos de Prométhée, super-héros puisque non seulement il vole le feu à Zeus pour le donner aux hommes, mais il renonce à l’éteindre avec son urine, montrant ainsi l’exemple de la nécessaire renonciation pulsionnelle au bénéfice de la culture[4].

La "punition" mythique serait en fait l’expression du "ressentiment que l’humanité menée par ses pulsions a pu éprouver contre le héros culturel" (op. cit., p. 192-193), ingratitude dans la suite, avec les progrès de la civilisation, par le mythe d’Héraclès, autre héros qui délivre le premier.

Derrière le héros, il y a la masse : il la représente dans le récit mythique et, dans la réalité psychologique, il est le lieu de projection de ses aspirations. L’idée du héros comme individu connaissant un sort exceptionnel parce qu’il réunit en lui des qualités exceptionnelles, demeure pour Freud un mythe, une illusion, alors que la violence du Père originaire et celle de la horde des frères a un autre statut, celui d’une hypothèse scientifique[5].

Comment peut-on lire ce relativisme de Freud à la figure du "grand homme", telle qu’il la développera dans L’homme Moïse presque vingt ans plus tard ?

S’interrogeant sur la figure de Moïse, "homme isolé (qui) exerce une action aussi extraordinaire", Freud se demande, ce qui est légitime au regard de ce qui précède, si une telle hypothèse ne constitue pas "une régression vers une manière de penser qui donna naissance aux mythes d’un créateur et à la vénération des héros, vers des temps où l’historiographie se réduisait aux actions et aux destinées de quelques individus souverains et conquérants" (L’homme Moïse, op. cit., p. 204). La suite du texte fait état de la tendance actuelle de l’historiographie à "ramener les événements de l’histoire humaine à des facteurs plus cachés, généraux et impersonnels", perspective à laquelle l’approche marxiste n’est certes pas étrangère, même si Freud ne la nomme pas.

Il va donc falloir justifier la place du "grand homme" dans le tissu des causes et Freud invoquera le principe de surdétermination renvoyant à notre "impérieux besoin de causalité" (c’est-à-dire pour lui la tendance illusoire au systématisme) le fait de se limiter à une seule cause démontrable à l’exclusion des autres. Il n’est pas sans intérêt de constater que ce qu’on lui reprochera, soit la monocausalité du meurtre du Père originaire, soit ici oublié, alors même que c’est ce qui le contraint à cette révision puisque le mythe du "grand homme", sous les espèces du héros, ne s’accorde pas, comme on l’a vu, avec le fait que c’est la masse des frères qui est l’auteur du meurtre. Car la distance entre le "grand homme" et le "héros" se limite au fait que le premier est supposé avoir été un être historique, alors que le second ne serait qu’un mythe.

Mais comment est né l’intérêt de la psychanalyse pour les mythes ?

 

III Le dialogue entre Freud et Jung à propos des mythes.

Ces histoires d’origine que sont les mythes ne naissent pas comme des compositions narratives établies, bien au contraire. Transmis par la tradition, les mythes, comme tout ce qui est du domaine du patrimoine oral[6], se modifient et se modèlent, parfois se transforment en profondeur, comme Freud le montre lorsqu’il propose d’interpréter les mythes à partir de la psychanalyse. Le passage de sa correspondance avec Jung où il évoque une suggestion que lui a faite Otto Rank mérite d’être cité en entier, car il exprime une position de la psychanalyse vis-à-vis des mythes, qui la situe non pas en ouverture par rapport à ceux-ci, mais dans une perspective qui serait évidemment "sauvage", si elle n’était considérée comme un simple point de départ à vérifier, point de vue qui, il faut le dire, n’était manifestement pas celui de Freud :

 "La création d’Eve a quelque chose de tout à fait particulier et singulier. - Rank m’a dernièrement rendu attentif au fait que dans le mythe cela aurait facilement pu s’énoncer inversement. Alors la chose serait claire : Eve serait la mère dont naît Adam, et nous nous trouverions devant l’inceste maternel qui nous est familier, dont la punition, etc. Tout aussi étrange est ce tait que la femme donne à l’homme quelque chose de fécondant (une grenade) à manger. En revanche, inversé, cela est à nouveau quelque chose de connu. Que l’homme donne à la femme un fruit à manger, c’est une vieille cérémonie de mariage (cf. encore la façon dont Proserpine doit rester dans l’Hadès comme épouse de Pluton). Dans de telles circonstances je défends la proposition que les formes manifestes des motifs mythologiques ne sont pas directement utilisables pour la comparaison avec nos résultats yA, mais que seules le sont leurs formes latentes, originelles, auxquelles il faut les ramener par une comparaison historique, afin d’écarter les défigurations qu’elles ont subies au cours du développement des mythes." (Correspondances II, p. 234-235).

Freud ici envisage que le mythe puisse procéder d’un autre mythe mais avec la déformation du refoulement s’interposant entre les deux. Sur quoi se fonde-t-il ?

Sur l’expérience sensorielle : une femme peut mettre au monde un homme mais non l’inverse, et sur quelque chose qui est déjà une transposition mythique proche des théories sexuelles infantiles : la grossesse vient de ce que l’homme donne à manger quelque chose à la femme.

Peut-on taxer Freud de sacrilège et d’abus épistémologique lorsqu’il procède ainsi ? Je pense qu’il faut plutôt considérer qu’il dégage du texte mythique un élément limité, celui de l’acte par lequel la conception est possible. La question de l’origine reste en revanche en suspens car si c’est d’Eve qu'Adam est né, comment pouvait-il procéder à l’acte procréateur de sa propre naissance en offrant à celle-ci une grenade ?

Il faut donc renoncer à une logique qui ne s’applique pas au mythe et considérer comme un élément isolable ce que Kerényi appelle un "mythologème" c’est-à-dire un élément à la fois ferme et mobile en même temps, matériel bien que non statique, sujet à transformations (op. cit., p. 13). Il écrit : "L’attitude correcte à l’égard de la mythologie est dicté par son aspect intelligible, pour ainsi dire imagé et musical : il faut laisser parler les mythologèmes par eux-mêmes, et simplement prêter l’oreille" (ibid., p. 15).

Jung introduira la notion d’ "archétype" pour marquer que la source de la mythologie est en nous et souligner que ces archétypes apparaissent aussi bien dans les mythes, les contes, tout comme dans le rêve et les produits imaginaires de la psychose.

J’ai tenté pour ma part de montrer dans une approche critique de la notion de théorie sexuelle infantile qui restitue l’antériorité du mythe vis à vis de la théorie, que ces éléments constitutifs, les "mythogèmes", correspondent non pas à des images primordiales, mais à des expériences sensorielles et qui constituent tout le savoir sexuel qui précède chez l’enfant la constitution des théories. Les mythes magico-sexuels que forme l’enfant nous introduisent donc dans une forme de pensée spécifique, une pensée archaïque, ce que Jung avait bien vu lorsqu’il écrivait à Freud à propos de la formation du symbole :

"La formation du symbole me semble viser ici quelque chose de tout autre qu’une formation de concept. La formation du symbole me semble bien plutôt être le pont nécessaire vers un autre penser (souligné dans le texte) de notions connues depuis longtemps, auxquelles dot être retiré un certain investissement libidinal, par déviation sur des séries parallèles, intellectuelles (théories mythologiques)."[7]

Freud et Jung vont partager cette quête de "l’archaïque régressif" et, en 1910, le premier écrit au second qu’il espère "s’en rendre maître au moyen de la mythologie et du développement du langage (op. cit., p. 21, lettre du 02.02.10).

La même année paraîtra en effet "Du sens opposé des mots originaires" (1910e)[8] et surtout, Freud commence une réflexion qui le mènera à Totem et Tabou (1912-1913).

Une constellation s’établit entre le langage, les symboles, les mythes, les légendes, autour d’un point de convergence : cet "archaïque régressif" qui va constituer pour Jung un point de fuite en-deçà du sexuel.

Or, s’i l’un et l’autre s’intéressent depuis longtemps à ces questions, c’est bien parce que la question des "théories sexuelles infantiles" a été le point de départ de cet approfondissement. Le refus de Jung d’admettre que l’hystérie infantile relevait des mêmes données explicatives que l’hystérie d’adulte va trouver sa réponse dans l’analyse du "Petit Hans" et c’est à partir de cette analyse, pour lui constituer une sorte d’addendum théorique que Freud écrit le texte sur les "théories sexuelles infantiles", auquel il se reprochera plus tard de ne pas avoir donné une plus grande extension.

Simultanément, le Léonard témoigne largement des recherches de Freud sur la mythologie autour de la malencontreuse erreur de traduction qui, faisant du milan un vautour, amène Freud à des approfondissement sur la déesse égyptienne Mout.

Mais le thème des théories sexuelles infantiles ne va pas être retravaillé en tant que tel, tout au plus sera-t-il illustré, dans la mesure où il y sera fait référence comme à un texte achevé. ("L’éclaircissement nous vient des théories sexuelles infantiles"[9]).

Cette fermeture du propos de Freud est responsable du fait que les rapprochements évoqués ne sont pas prolongés comme ils auraient pu l’être. Certes, Freud va retrouver les théories sexuelles infantiles dans les mythes et les légendes, qu’il s’agisse de l’androgyne, de la théorie de la castration, ou la tête de Méduse, mais il ne se risquera pas dans cet " archaïque régressif " dont il avait annoncé la conquête et qui l’aurait amené notamment à approfondir la communauté d’origine entre les mythes et les théories sexuelles infantiles.

Ce domaine, c’est celui de la "pensée animique" telle qu’il la développe non pas à propos de l’enfant, mais à propos du primitif dans ce chassé-croisé qui lui est familier entre l’enfant individuelle et l’enfance de l’humanité.

Or, la première constatation que Freud tire de la lecture de ses informateurs, les "historiens de la culture", c’est que l’animisme est issu de la nécessité de rendre compte de ce fait inacceptable qui est la mort[10]. Les représentations relatives aux âmes supposées peupler la nature dans les objets inanimés aussi bien qu’animés, constituent le noyau primitif du système animiste.

Freud souligne que l’animisme est un "système intellectuel" qui permet de concevoir le monde comme un vaste ensemble, à partir d’un point donné, système plus logique et plus complet que les deux autres qui lui feront suite (religieux puis scientifique).

Pourquoi une telle complétude, voire une telle perfection ? Parce que ce système est une extériorisation, une projection de la propre organisation psychique de l’homme. Autrement dit, la construction animique ou mythologique tiendrait sa valeur de ne laisser subsister aucun espace qui soit extérieur à la psyché de celui qui la conçoit. C’est un système saturé qui ignore l’énigme, dans la mesure où elle ignore l’étranger à soi[11]. La pensée religieuse se fondera à l’inverse sur la présence en soi du sentiment d’un infini inaccessible comme le montre l'argument de Saint Anselme.

Toutefois, Freud ne se contente pas des affirmations des historiens de la culture et il s’interroge sur "les raisons qui poussent l’homme primitif à remplacer les lois naturelles par les lois psychologiques" (op. cit., p. 98).

Cette question peut surprendre car on considérerait que la psyché humaine se projette plus volontiers à l’extérieur, plutôt que de s’attaquer à l’extérieur. Mais du coup, c’est la psyché enfantine qui va servir d’explication, au moins analogique, pour celle du primitif. Freud rapproche la satisfaction hallucinatoire du nourrisson de l’ "hallucination motrice" du primitif telle qu’elle se manifeste dans l’action magique qui, grâce à sa ressemblance avec ce que celui-ci désire, amène la réalisation de l’événement désiré.

Une chaîne est ainsi établie qui va de l’hallucination du nourrisson, technique de satisfaction purement sensorielle qui ne nécessite pas d’action (même si elle peut s’accompagner de mouvements de succion) au jeu de l’enfant, qui implique une représentation imitative, et à son prolongement dans l’action magique adulte propre à l’homme primitif. Un prolongement commun parcours cette chaîne : la surestimation de la pensée, qui donne aux représentations la prééminence vis-à-vis des choses.

Revenons au dialogue entre Freud et Jung. Si ce dernier  s’est opposé à Freud à bien des égards, il semble que dans le domaine de la transmission phylogénétique des traces psychiques du passé, ils aient au contraire travaillé dans la même veine, accompagnés en cela par de nombreux autres psychanalystes comme Riklin (Wunscherfüllung und Symbolik im Närchen [1908]), Karl Abraham (Rêve et mythe [1909]), Otto Rank (Le mythe de la naissance du héros [1910]), et Silberer ("La fantaisie et le mythe" [1910]).

 On est émerveillé devant la productivité de ce thème auprès des analystes qui, à l’appel de Freud il faut le dire, vont rivaliser dans l’effort pour conquérir la mythologie.

Il n’est bien évidemment pas possible dans les limites de cet exposé d’en examiner les variations théoriques, aussi me limiterais-je à Jung dans la mesure où non seulement il a fait de ce rapprochement avec le mythe la base de sa théorisation de la psyché individuelle et collective, mais aussi parce qu’en sont issues des notions qui lui sont propres et caractérisent la "psychologie des profondeurs" dans sa différence d’avec la psychanalyse.

En distinguant la pensée vigile, qui fonctionne avec des mots, s’oriente vers l’extérieur et imite la série causale des événements extérieurs, de la pensée en rêve ou en fantasmes, introvertie, reposant sur les images et les sentiments, guidée par des motifs inconscients, Jung se réclame de Nietzsche qui écrit dans Humain, trop humain (p. 33) : "Dans le sommeil et le rêve, nous refaisons encore une fois, la tâche de l’humanité antérieure... (...) ... Nous pouvons déduire de ces phénomènes combien tardivement la pensée logique un peu précise, la recherche sévère de cause et effet a été développée, si nos fonctions rationnelles et intellectuelles, maintenant encore se reprennent aux formes primitives de raisonnement et si nous vivons environ la moitié de notre vie dans cet état."[12]

Tout en rapprochant chez l’enfant ce qu’il appelle "les rudiments d’une formation de mythes, la prise pour du réel de fantaisies qui prennent parfois un accent historique", Jung souligne qu’autrefois, "l’homme qui pensait et vivait dans le mythe était en réalité un adulte et pas du tout un enfant de quatre ans". Aussi en vient-il à cette conclusion d’importance : "Le mythe n’est pas un fantasme infantile ; il est une nécessité essentielle de la vie primitive." (op. cit., p. 76).

Jung se situe donc dans une perspective très différente de celle de Freud pour qui le "primitif" et l’enfant semblent souvent interchangeables et il rappelle que le seul lien entre les deux tient au fait que "l’image subjective du monde, jugée sous l’angle et du point de vue de l’adaptation, est inférieure à celle que donne la pensée dirigée." (ibid., p. 81).

Du coup, la perspective phylogénétique s’en trouve accrue. Il ne s’agit plus seulement d’une donnée qui "comble les lacunes" de l’expérience individuelle comme chez Freud, mais d’un héritage à part entière : "Les fondements inconscients des rêves et des fantaisies ne sont des réminiscences infantiles qu’en apparence. Il s’agit en réalité de formes de pensée primitive, voire archaïques, reposant sur des instincts, qui, en cela, est naturel et n’apparaissent avec plus de clarté que plus tard... (...) ...

Le fondement instinctivo-archaïque de notre esprit est constitué d’une donnée objective antérieurement présente, indépendante de l’expérience individuelle et de l’arbitraire personnel subjectif, tout comme le sont aussi la structure héritée et la disposition fonctionnelle du cerveau ou d’un autre organe quelconque. De même que le corps a sa propre histoire dont les diverses stades ont laissé en lui des traces évidentes, de même la psyché..." (op. cit., p. 823).

Cette "disposition fonctionnelle du cerveau" nous renvoie au biologisme de Jung, que Freud avait critiqué à propos de l’influence qu’il avait cru y reconnaître chez Sabina Spielrein. Elle est différente de l’idée d’une transmission phylogénétique de traces, autrement dit d’un capital de mémoire. Jung le précise en ces termes : "Il ne s’agissait pas d’une hérédité caractéristique de race, mais d’un trait généralement humain. IL ne s’agit pas non plus le moins du monde de représentations héritées, mais d’une disposition fonctionnelle à produire des représentations semblables ou analogues. C’est cette disposition que j’ai plus tard appelée Archétypique." (ibid., p. 192).

Dans la mesure où l’archétype est en fait une structure propre à l’individu humain, la notion de mythe magico-sexuel en serait proche mais dans le fait que cette structure soit une disposition cérébrale héréditaire et non le résultat d’expériences sensuelles liées aux zones érogènes du corps, on en est très éloigné. Jung rompt avec l’idée d’une transmission par tradition inconsciente, il s’agit de créations "autochtones" mais ces créations sont en fait des recréations.

IV Le temps éphémère d’une conviction partagée

On aurait  le sentiment, à lire leurs échanges, que les premières dissensions sont oubliées lorsque  Freud en 1909 se félicite que Jung

" partage sa conviction " (sic) que la mythologie devrait être " entièrement conquise par nous " ( ibid. p 336 ).

" Nous ", c’est-à-dire les psychanalystes unis [13].

Freud parle en entrepreneur de grands travaux collectifs, Jung va répondre de manière plus intime :

" L’une des raisons pour lesquelles je ne vous ai pas écrit pendant si longtemps, [affirmation très exagérée mais qui répond à la plainte de Freud] est que mon intérêt chaque soir se portait vers l’histoire des symboles, c’est-à-dire vers la mythologie et l’archéologie… (...) … Tout mon goût pour l’archéologie (qui était enterré depuis des années) s’est réveillé [14]. Il s’ouvre ici de riches sources pour fonder phylogénétique ment la pathologie des névroses. " (8 novembre 1909, t. I, p. 340)

Freud néglige soigneusement dans sa réponse le double fait que Jung ne l’a pas attendu pour s’intéresser à la mythologie d’une part et, d’autre part, qu’il prétendrait y faire œuvre théorique en deçà de la sienne, dans l’univers de la phylogenèse…

" Cela m’a fait un vif plaisir que vous vous soyez mis (sic) à la mythologie. Un morceau de solitude en moins. Je suis très avide de vos découvertes. " (11 novembre 1909, t. I, p. 342)

Ils vont ainsi échanger des bribes d’information : Œdipe aurait été à l’origine un démon phallique, comme les Dactyles de l’Ida, son nom voulant dire érection, annonce Freud et Jung de répondre :

" Je n’ai déjà plus de doutes sur ce que les mythes les plus anciens et les plus naturels veulent dire. Ils parlent "naturellement" du complexe qui est au cœur des névroses. " (15 novembre 1909, t. I, p. 345)

Pourtant, il faut mettre un bémol et Jung rappelle que :

" les Grecs eux-mêmes ne comprenaient déjà plus leurs mythes depuis longtemps et essayaient de les interpréter, tout comme nos philosophes. " (ibid.)

Freud est enthousiaste :

" Cela appelle à grands cris que l’on s’en occupe dignement et aussi longtemps que nous ne pourrons pas avoir des gens de la branche pour cela, il nous faudra bien le faire nous-mêmes. " (21 novembre 1909, tome 1, p 347 ) .

 On se prend à rêver… Comment Freud peut-il imaginer que les mythologues vont produire des interprétations analogues aux siennes, lorsqu’il assimile le pied enflé d’Œdipe à l’érection du pénis, parce qu’il a lui-même récemment résolu l’énigme du fétichisme du pied ! Là comme ailleurs, Freud théorise en conquistador [15] et s’attend à être suivi.

Mais Jung suit son chemin. Après avoir demandé à Freud les sources de ses considérations sur les Dactyles de l’Ida, il renchérit :

" J’ai maintenant trouvé ce qu’étaient les Dactyles de l’Ida : ce sont les Kabires ou Kurètes. " (2 décembre 1909, tome 1, p 342 )

Et Jung de poursuivre :

" Ce sont les vivifications immédiates de la matière morte (en Italie les Lares et les Pénates). Tout d’abord non phalliques mais élémentaires (je souligne). Ce sont les grands dieux, c’est-à-dire les dieux faits par les poètes qui semblent être, les premiers, phalliques. " (op. cit., p. 352)

À cette vigoureuse affirmation qui tend à faire du sexuel non une origine mais à lui chercher une origine en deçà de lui-même, Freud ne répondra pas, tandis que Jung, enhardi par son audace, revient à la charge contre la construction de la théorie chez Freud à propos d’une notion qui ne pouvait effectivement qu’exciter le débat, puisqu’il s’agit de la " toute-puissance des pensées ".

Bien qu’en reconnaissant l’exactitude dans le domaine de la démence précoce, Jung met en garde Freud dans des termes qui méritent d’être cités in extenso :

" J’éprouve une résistance à lui [il s’agit de la notion de "toute-puissance des idées"] adjuger une validité universelle. Elle me semble trop casuistique pour cela. Il est stupide bien sûr que j’attaque votre terminologie casuistique, à laquelle vous avez parfaitement droit, comme chacun. Mais comme autrefois Héraclès, vous êtes un héros humain et un dieu supérieur, aussi vos dicta ont-ils, chose ennuyeuse, valeur d’éternité. Tous les plus faibles qui marchent derrière vous doivent forcément adhérer à votre nomenclature, qu’à l’origine vous entendiez comme casuistique. Il y aura ainsi plus tard, dans la pathologie de la névrose obsessionnelle, le symptôme de la toute-puissance. " (14 décembre 1909, t. I, p. 359)

Freud clôt la discussion sur la " toute-puissance des pensées " en déplaçant la controverse sur la " toute-puissance des affects " dans la névrose obsessionnelle.

" Ce n’est pas moi, écrit-il, qui ai institué la toute puissance des affects comme un symptôme de la névrose obsessionnelle, c’est le patient (je souligne) qui proclame cette toute-puissance, à laquelle il croit et il n’est certes pas le seul à croire cela. " (ibid., t. 1, p. 362)

L’argument est d’importance et renvoie dans ses buts la critique de Jung concernant la " terminologie casuistique ".

Freud ne bâtit pas de notion, il s’efface derrière le discours du patient dont il détache certaines expressions qui vont avoir valeur de notion. Et cela, il l’a toujours fait, depuis le " chimney sweeping " de Anna O., jusqu’au " meurtre d’âme " ou à la " langue fondamentale " de Schreber. Autant que des entités délimitables dans la théorie, il s’agit d’une langue d’initiés et ainsi, toujours en référence par à Schreber, il parlera de travail bâclé à 6-4-2.

Dans sa réponse, Freud souligne ce qui est ici une spécificité de la théorie en psychanalyse, d’être indissociable de la clinique, au point même de retenir les mots des patients comme les mieux aptes à faire exemple et ultérieurement nomenclature, perspective qui est aux antipodes de la nomination des symptômes en psychiatrie, voire de ces symptômes qui portent le nom de celui qui les a isolés et décrits.

Quoi qu’il en soit, la mythologie apparaît comme un terrain d’entente et Freud semble à la fois encourager Jung dans ce sens, lui rappeler qu’il ne l’a pas précédé dans cet intérêt et lui indiquer, dans des termes très proches de ceux de Jung lui-même, quels développements il en attend pour la psychanalyse :

" Votre conception approfondie de la symbolique a mon entière sympathie. Vous vous souvenez peut-être combien j’étais peu satisfait tant que vous ne saviez me dire de la symbolique, avec Bleuler, rien d’autre que ceci, qu’elle était une sorte de "penser sans netteté". Ce que vous en écrivez maintenant n’est qu’une allusion, mais elle va dans une direction dans laquelle je cherche aussi, j’entends vers l’archaïque régressif, dont j’aimerais me rendre maître au moyen de la mythologie et du développement du langage. " (2 février 1910, t. 2, p. 21)

Dans ce cas, on a le sentiment que la théorie se co-construit, chacun cherchant de son côté. Jung s’enflamme dans sa réponse et donne un éclairage sur son intérêt pour la mythologie et la place où il situe la psychanalyse qui ne manque pas de subtilité mais où on imagine difficilement que Freud pouvait le suivre.

On connaît la fin :

" Pourquoi au diable fallait-il que je me laisse inciter à vous suivre sur ce terrain ? " gémit Freud ! (11 Novembre 1911, ibid., p. 218.)

Et enfin, vient la flèche finale, celle du Parthe : à celui qui prétend chercher, en deçà de la libido sexuelle, le monde enfoui de l’archaïque qui en serait l’origine, Freud, en véritable taupe de l’inconscient, n’hésite pas à écrire avec une ironie féroce :

" Mais probablement réussirons-nous à passer l’un à côté de l’autre en ce que je creuse mes galeries bien plus profondément dans le sol que vous ne tracez vos tranchées, de sorte que je pourrai vous saluer chaque fois que je remonterai à la lumière. " (ibid.)

Jung n’a cette fois-ci plus aucune illusion sur la possibilité d’une collaboration théorique. Il y a deux concurrents en lice et il répond clairement à Freud que le plus profond des deux n’est pas celui qui prétend l’être :

" Il est bien opprimant pour moi que vous apparaissiez vous aussi sur le terrain de la mythologie de la religion. Vous êtes un concurrent dangereux, si l’on veut parler de concurrence. Je pense toutefois qu’il doit sans doute en être ainsi, et que l’on ne peut pas retenir une chose naturelle, et qu’on ne doit non plus rien y changer. Il est sûr, de par la différence de nos personnes, que notre travail sera aussi très différent. Vous trouvez les joyaux, mais moi j’ai le degree of extension [16]. Il me faut toujours, comme vous savez, aller de l’extérieur vers l’intérieur, et conclure du tout au singulier. " (14 novembre 1911, t. 2, p. 219)

Sur le plan épistémologique, la provocation de Freud est donc féconde pour Jung et l’amène à formuler le mouvement de sa recherche : travail régrédient-progrédient, si on considère qu’en allant de l’extérieur vers l’intérieur, il va des phénomènes variés et multiples aux déterminations originelles en nombre limitées mais qu’en concluant du tout au singulier, il reparcourt le chemin en sens inverse pour récupérer la singularité clinique à partir des éléments de théories précédemment mis au jour. Cette démarche, classiquement platonicienne, est celle de Freud lorsqu’il pense en termes métapsychologiques, elle n’est en revanche pas la sienne dans le domaine théorico-clinique, où le singulier du cas vient au contraire, comme on l’a dit, faire image et ultérieurement être utilisé comme notion. Aussi refuse-t-il l’idée d’un Freud-taupe qui ne le rencontrerait qu’en surface :

" Cette différence dans la manière de travailler aura pour conséquence que nous nous rencontrerons de temps à autre en des lieux inattendus. " (14 Novembre 1911, tome 2, p 219)

Conclusion :

Les mythes ont donc accompagné et nourri les débuts de la psychanalyse.

Je n’ai pas voulu dans une introduction dépasser cette constatation d’ordre historique mais je terminerai en soulignant combien ce fait est riche de développements possibles sur un plan épistémologique ayant trait à ce qui fait l’essence même de la psychanalyse, réflexion toujours et plus que jamais à reprendre aujourd’hui.

 

 

 

[1]Vernant J.-P., Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, Maspéro, 1971, II, p. 100.

[2]Jung C.-G. et Kerényi Ch., Introduction à l’essence de la mythologie, (Budapest, 1941), Paris, Payot, P.B.P., p. 16.

 

[4]"Sur la prise de possession du feu", In Résultats, idées, problèmes, II, Paris, P.U.F., 1985.

 

[6]Je renvoie ici notamment aux études de Nicole Belmont sur les contes, en particulier Poétique du Conte (essai sur le conte de tradition orale), Paris, Gallimard, 1999.

[7]Correspondance Freud/Jung, Paris, Gallimard, 1975, tome II, p. 156 (lettre du 19.03.11).

[8]Je reprendrai un peu plus loin ce texte au sujet de la causalité comme coïncidence des opposés dans les mythes magico-sexuels (Cf. II.II.2).

[9]Freud S., Une souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, Paris, Gallimard, 1987, p. 110.

[10]"La représentation de la mort ne s’est formée que tardivement et n’a été acceptée qu’avec hésitation pour nous encore, elle est dépourvue de contenu et difficile à réaliser" (Freud S., Totem et Tabou, Paris, P.B.Payot, 1965, p. 91).

[11]Cf. Totem et Tabou : "(L’homme primitif) savait que les choses dont se compose le monde se comportent exactement comme l’homme, d’après ce que lui apprend sa propre expérience" (op. cit., p. 107).

[12]Cité par Jung C.-G., Métamorphoses de l’âme et ses symboles, Paris, Livre de Poche, n° 18, p. 75.

[13] " Nous n’avons jusqu’à présent que les deux échappées : Abraham et Rank. Il nous faut des hommes, des travailleurs pour des campagnes plus vastes. Ils apparaissent si rarement. " (op. cit., t 1, p. 336)

[14] On pourrait ici établir un lien avec l’intérêt de Jung pour l’exhumation des cadavres momifiés, récit qui avait provoqué chez Freud des sentiments plus que partagés puisqu’il avait fini par s’évanouir pour ne plus l’entendre ! (t. 1, p. 283). La " pulsion d’exhumer " s’avère ici particulièrement significative pour la psychanalyse comme j’ai eu l’occasion de le montrer. Cf. " La pulsion d’exhumer ", Topique, 2001, n° 74 et Le besoin de savoir.

[15] " Les apotropea nous appartiennent tout à fait (je souligne), ils sont toujours des consolations au moyen de la sexualité comme l’onanisme dans l’enfance " (ibid., p. 349, 21 Novembre 1909, tome 1 )

[16] Note du traducteur : " Jung semble entendre par cette expression qui n’est pas immédiatement intelligible, ce qu’il appelle plus tard un "raccord" et un passage vers d’autres domaines. "

On peut ajouter que ce terme est contradictoire avec ce qui suit qui indique un recentrement. Jung voulait probablement, pour lui-même et son interlocuteur, affirmer qu’il ne risquait pas de se perdre dans cette extension.

La liberté " océanique " de la pensée associative, nécessaire pour celui qui en cheminant en profondeur peut ainsi repérer des liens invisibles à la surface,  ne va jamais cependant sans angoisse .

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