Devescovi Pier Claudio -"Le mythe et l' histoire. Une possible contribution de la Psychanalyse à l' Historiographie".
- Anastasia Mitropanou
- 30 Ιουλ 2010
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Le rapport entre le mythe et lhistoire représente un problème extrêmement complexe, cette complexité est liée, entre autres, au différent statut épistémologique et à la différente genèse: manifestation / représentation de linconscient le premier, travail de réflexion de la conscience sur le passé de laction humaine la seconde.
À compliquer ce rapport il y a de plus une sorte de prévention de la culture de dérivation positiviste et de la science en général qui tendent à considérer le mythe comme quelque chose "pas vrai" et elles vont créer ainsi une certaine méfiance à ses égards et elles en rendent plus difficile son utilisation comme instrument heuristique.
Dans la pensée psychanalytique il a, au contraire, une place de relief à partir de linitiale interprétation de Freud du mythe œdipique comme représentation de dynamiques et rapports du monde intérieur et familial.
Linfluence jungienne a étendu et approfondi l étude du mythe qui est considéré comme lune de possibles représentations des contenus de linconscient, parmi les plus importantes et répandues dans lhistoire de la culture et dans laquelle on reconnaît les membres à un commun milieu culturel d une déterminée époque historique. Il représente un élément aussi de lidentité culturelle dun groupe social et contribue à son agrégation. La longue réflexion de Jung sur le texte biblique la mené, à la fin de ce parcours, à la définition des Sacres Ecritures aussi comme un mythe, lun de mythes fondants de lOccident avec la littérature grecque classique.
On connaît la divergence entre Freud et Jung relativement à la conception du mythe, décrite en particulier dans leur correspondance: Freud sapprochait au mythe comme au texte dun rêve en considérant les successives modifications comme les déformations que le processus secondaire apporte au texte onirique. Dans la conception de Jung le mythe est considéré lune de modalités de représentation des contenus de linconscient et nécessairement il varie et il se modifie selon les rapports qui sétablissent, historiquement, entre la conscience et linconscient et il prend des configurations différentes pour exprimer des nœuds structuraux de linconscient qui est conçu soit comme un processus soit comme structure ou ensemble de structures.
Dans le travail de Jung lattention est posée principalement sur la façon dans laquelle linconscient se manifeste, simpose en obéissant à sa propre logique et organisation et ainsi lidée de mythe représente lun de ses sommets privilégiés dobservation.
En 1920, dans lessai "Types psychologiques", Jung écrivait que les motifs mythologiques sexpriment par des images ou des narrations archaïques qui se répètent et qui sont dun côté "principalement expression de matériaux inconscients collectifs et de lautre ils indiquent que la situation actuelle de la conscience nest pas influencée sur le plan personnel, mais plutôt sur celui collectif " (1).
Dans une lettre à Kurt Plachte du 10 janvier 1929 Jung imagine la naissance du symbole collectif, catégorie dont le mythe appartient : " Par sa vision intérieure le prophète discerne des besoins de son temps les images utiles de linconscient collectif et il exprime cela dans le symbole: puisquil parle à linconscient collectif il parle pour tout le monde " (2). Une idée analogue sur la naissance du mythe est exprimée par Eugen Drewermann, théologue et psychothérapeute : " Cest dans la force dattraction de ses images pour un certain groupe humain qui la créé grâce à un seul (dhabitude anonyme) poète ou visionnaire, quon peut trouver la vive validité immédiate du mythe ". (3)
Dans ces affirmations la genèse du mythe semble se produire par des personnages anonymes avec personnalité de type poétique, visionnaire et prophétique qui arrivent à traduire en images ce qui est actif dans linconscient collectif, des images qui parlent à tout le monde puisque tout le monde sy reconnaît. Homère et les prophètes bibliques sont sûrement des personnalités de ce type.
Le mythe appartient à une aire du langage différente de celle logique-rationnelle car il exprime une réalité qui nest pas possible représenter sinon par ce langage qui utilise des métaphores et des symboles parce quil parle de linconnu, du paradoxe, en définitive du mystère de lexistence que lhomme cherche à représenter par le récit.
Walter Friederich Otto nous rappelle que: " Le grec ancien a à disposition une série de dénominations par " mot " chacun avec un sens propre; on en cite trois: epos = vox, cest la parole comme sonorité vocales ( ) logos = parole dans le sens de ce qui est pensé, raisonnable, mythos, plus ancien, archaïque = parole comme témoignage de ce qui fut, est et sera, autorévélation de lêtre " (4). Raimon Panikkar est aussi proche de cette définition de mythe quand il affirme que: " Le mythe nous décrit et transmet une expérience de vie. Comme une Welterfahrung (expérience du monde) (5).
Après son affirmation, en termes jungiens on pourrait dire être constellé, le mythe tend à simposer dépassant la conscience, la rationalité et la volonté individuelle et en déterminant des comportements individuels et collectifs. Walter Otto affirme à ce propos que : " Le mythe contraint en sens absolu, cest une puissance; il ne peut pas se passer autre chose que son déplacement en action et dune sorte immédiate par sa propre existence. Il a nécessité de se représenter en formes. Le vrai mythe produit la vie". (6)
Si le mythe, comme jaffirmais plus haut en me référant à la pensée de Jung, c est lune de possibles modalités de représentation de linconscient entendu, toujours dans loptique jungienne, comme un processus qui tend à se manifester et à se réaliser il apparaît compréhensible que le mythe qui se constelle à un moment donné tend à se traduire en action à " contraindre ". Le mythe prend alors les caractéristiques dun langage " performatif ", de langlais "to perform", concept dérivé des philosophes du langage selon qui certains mots ont un impact transformatif, même avec leur simple énonciation.
Ces aspects et, pour ainsi dire, ce comportement du mythe parlent de ce quen différentes façons a été défini comme la manifestation subite de lirrationnel, de lhistorique dans lhistoire, ou comme lintervention aussi de la Providence dans le temps humain, des mouvements qui décrivent des aspects du complexe problème des rapports entre le mythe et lhistoire.
Un aspect de cette complexité est lié à la conception de lhistoire comme développement plus ou moins linéaire qui caractérise la pensée occidentale. La tradition biblique a introduit, sur la base de lattente du Messie et de lhistoire du salut, le concept de temps linéaire qui est devenu dominant dans notre culture mettant en arrière plan dautres conceptions de la temporalité et de lhistoire comme par exemple celle du temps cyclique de la pensée classique grecque. Ce nest pas pour rien que la naissance de Christ est devenue le point zéro dans le calcul du temps de lOccident.
En dehors de la pensée occidentale dominante, dautres cultures ont élaboré des concepts dhistoire et des temporalité très différents: dans la culture japonaise, par exemple, il y a la pensée dune répétition, dans le temps, de types de situation, pensée qui se prête à dintéressantes associations avec la conception dHérodote, dont lhistoriographie était vraie dans le typique même si fausse dans lindividuel.
Cette conception de lhistoire dominante dans lOccident et quon pourrait définir comme pensée dun développement plus ou moins linéaire, même si cette affirmation est approximative (il suffit de penser, par exemple, au concept de développement historique par des ruptures epistémologiques ) et lhistoriographie qui utilise des catégories interprétatives sur le registre du logos ( comme celles économiques, politiques, militaires, etc. ) apparaissent en difficulté à comprendre au fond et à interpréter lirruption du mythe, de ce qui apparaît irrationnel, dans lhistoire. Plus souvent linterprétation se limite à parler de lapparition de la folie sur la scène en transmettant un sentiment dimpuissance.
Je crois quune possible contribution de la psychanalyse à lhistoriographie peut être la proposition du mythe comme catégorie interprétative des faits historiques, à côté des catégories pour ainsi dire plus traditionnelles et relatives au registre du logos. Dautre part la mythologie dun peuple contient de fait sa psychologie implicite, cest-à-dire comme il raconte sa façon de rester en face du mystère de la vie et de la mort.
Dans son double aspect de représentation de contenus inconscients et de langage pour en parler et les comprendre, le mythe napparaît pas en contraposition avec dautres modalités de pensée mais il se révèle, plutôt, précieux pour étendre la conscience et la connaissance de la réalité. Malheureusement, comme Raimon Panikkar souligne : " "La modernité est fondamentalement une culture du logos convertie en raison (ratio) et elle a voulu reléguer le mythe à une étape abandonnée ou à un simple divertissement ( .). Sémantiquement les deux vocables correspondent à discours et à parole. Il y a un discours logique et un discours mythique. Dans la mesure où ils arrivent à être dis-cursifs, si cest-à-dire ils coulent, ils fluent et ils ne se fossilisent pas ".
Selon Walter Otto : " Le vrai mythe produit la vie " et nous, les psychanalystes, nous sommes bien conscients de lambiguïté de linconscient que le mythe représente et véhicule et de tous ses côtés, de ceux obscures et destructifs aussi. On sait que le mythe peut être soit cause de perdition soit de salut, selon lattitude avec lequel on laborde. Il nous apparaît très important, par conséquent lattitude de la conscience, en définitive, le rapport entre mythe et logos.
Nous les psychanalystes nous savons bien que quand une personne souffrante nous demande de laide elle connaît, pour ainsi dire, son histoire, mais elle la connaît chronologiquement, logiquement et, même si elle en a oublié des côtés, il ne sera pas suffisant de les rappeler ou les reconstruire pour le délivrer de sa souffrance. Seulement quand, en racontant et re-racontant, il arrivera à comprendre le mythe qui lhabite, la raison profonde et inconsciente qui le pousse à vivre les événements de sa vie comme doués dun sens et pas dun autre, juste à ce moment-là il sera possible pour lui un changement. Comme Walter Otto nous a enseigné, si au mot logos appartient lexactitude, cest au mot mythe qui appartient la vérité, vérité qui peut être même paradoxale ou, mieux, on pourrait dire que seulement le mythe nous permet de
trouver la clé pour vivre les paradoxes de lexistence sans naïvement les nier ni dramatiquement risquer de nous couper en deux ou, même, de nous fragmenter.
Mais sil est possible pour un individu de saisir dans le récit de sa propre vie non seulement la logique mais le mythe aussi, pourquoi le même parcours ne peut-il pas être possible pour une communauté ou un peuple entier? Alors lhistorien devrait devenir quelque chose en plus quun spécialiste en mesure dévoquer, reconstruire et interpréter des événements. Il devra être en mesure de lire même leurs trames mythiques en transparence. Dans son travail ce sera nécessaire collaboration entre lintelligence logique et lintelligence mythique car le mythe non réfléchi cest comme un fleuve sans digues. On peut alors imaginer ces digues comme constituées par le logos, par la possibilité, en premier lieu, de penser le mythe. Mon idée dune contribution de la psychanalyse à lhistoriographie pourrait être entendue comme une tentative de pensabilité du mythe, dans les mouvements et dans les faits collectifs.
Il est difficile en effet de comprendre à travers les seules catégories logiques le phénomène du national-socialisme en Allemagne qui encore aujourdhui, à distance de presque 70 ans , nous laisse effrayés, à nous demander comment cela a été possible . Un grand pays civil au cœur de lEurope, de profondes traditions culturelles qui se laisse séduire et conduire à sa propre destruction, non sans avoir laissé derrière soi une traînée dhorreurs terribles. Cela échappe décidemment à la capacité dexplication par les seules catégories historiographiques traditionnelles; je crois quil peut être compris plus à fond en utilisant des catégories mythiques aussi et en parlant dêtre accrochés par un mythe, en particulier celui de Odino-Wotan.
Evidemment constellé par la crise allemande du premier après-guerre, le mythe na pas trouvé sur son chemin une réaction de la conscience collective qui aurait pu le penser, le prévoir et le considérer dans le traité de paix de Versailles du 1919 et aurait pu ainsi lendiguer en utilisant son énergie pour répondre dautre façon à la crise économique et, surtout, psychologique déterminée en Allemagne par la défaite pendant la première guerre mondiale. Par contre, les conditions de la paix humilièrent le dieu.
Les exemples pourraient se multiplier: comment ne pas penser, encore, quà la base du conflit qui voit en face, depuis 50 années environ, Israël et la Palestine-monde Arabe ny ait-il pas même la contraposition aussi entre deux mythes, décrits par deux Livres qui sont à la base de ces deux cultures? Le sillage de sang, les souffrances et les horreurs qui se suivent dun côté et de lautre, les erreurs et les aveuglements politiques apparaissent aussi comme le fruit dune lecture a-historique et a-politique des deux mythes fondants qui ont accroché ces deux peuples. Peuples qui, dautre part, ont apporté une très grande contribution à la culture européenne et dont tout le monde est débiteur.
La chose la plus précieuse dans cette situation, au-delà des interventions obligées par la contingence, je crois que cest la voix des écrivains et des hommes de culture de chaque côté pour endiguer et reporter les mythes dans leur lit naturel qui est le symbolique.
Lune des modalités dêtre possédés dun mythe cest celle de linterpréter littérairement et dune façon concrète, attitude qui représente lantithèse de sa " pensabilité " et qui souvent détermine, comme conséquence, une attitude et un comportement de type fondamentaliste.
Quand la religion, ou toute autre forme mythique, sort du domaine du symbolique et prétend de lire ses thèses de base dune façon littérale et concrète, elle entre dans le domaine du fondamentalisme, courant théologique dont le debout est lié à la Conférence de Niagara (USA) organisée par la Conference of Conservative Protestant en 1885. Le terme fondamentalisme sest étendu de son sens originaire et il est utilisé actuellement pour indiquer dautres religions aussi, ou dautres formes mythiques qui aient la même attitude vis-à-vis de ses thèses de base.
Les guerres de religion qui ont semé des horreurs terribles dans notre continent, au-delà des motivations politiques et économiques, sont un exemple évident de la perte de la capacité de penser symboliquement au propre mythe avec la conséquence den être donc possédés.
Lhistoire des rapports entre Christianisme et Hebraïsme, avec une particulière référence à lattitude du monde chrétien vers les juifs, acquiert en profondeur utilisant la catégorie du mythe. Laccusation de déicide avec ces néfastes conséquences faites de ghettos, pogroms, discriminations, apparaît la conséquence dune interprétation littérale et concrète du mythe chrétien à laquelle on a adjoint une attitude de justice quon pourrait définir primitive, selon laquelle la responsabilité dun fait ne concerne pas exclusivement lexécuteur, mais elle implique, à linfini, les appartenants à ce groupe.
Je désire conclure en confirmant que la mythologie nest pas une catégorie muséale ou archéologique mais qui est lâme vivante et active dun peuple, dune culture. Elle, dans la plupart des cas, se comporte comme un fleuve qui coule dans se digues mais si le dieu est humilié ou méconnu il montre son côté obscur et terrible en déterminant des attitudes collectives suffisamment prévisibles, comme " patterns of behaviour ", à ceux qui posent attention aux structures mythiques dun peuple. Je crois que lhistorien, en particulier si historien de la culture, devrait avoir familiarité avec le récit mythique car il parle dun mythologème archaïque quil est nécessaire de connaître pour comprendre plus à fond la culture dun pays dans lactualité duquel on renouvelle les trames mythiques éternellement égales même si dans des langages différents. Pour les mêmes raisons, avec un élément durgence en plus, cela devrait valoir pour le politicien, au moins pour ses collaborateurs.
NOTES
(1) Jung C.G. (1920) Psychologishe Typen (tr. It.) Tipi Psicologici, Opere. Vol. VI, Torino, Boringhieri, 1969, p. 453
(2) Jung C.G. (1973) Letters (1906-1950), Vol. 1°, London, Routledge & Kegan Paul, p. 60-61
(3) Drewermann E. (1984) Tiefenpsychologie und Exegese, (tr. It.) Psicologia del Profondo e Esegesi, Vol. 1°, Brescia, Editrice Queriniana, 1996, p. 306
(4) Otto W.F. (1962) Il Mito, Genova, il Melangolo, 1993, pp. 32-36
(5) Panikkar R. (2004) Dialogare nel mito. La dimensione simbolica nel confronto interculturale (a cura di F.O. Dubosc), Milano, Vivarium, p. 51
(6) Otto W.F., op. cit., pp. 36-37
(7) Panikkar R., op. cit, pp. 40-42